Toute une Ecole en boite?

L'association des parents de l'école française de Tbilisi propose chaque année un calendrier, rassemblant toutes les photos de classe. Cette année j'ai proposé de produire les photos de classe. C'est assez éloigné de ce que je fais d'habitude, de ma zone de confort, et je suis curieux de voir comment je vais m'en sortir. J'ai regardé les photos de classe des années précédentes et je veux essayer quelque chose de différent de la classique photo de groupe. J'ai trouvé sur internet des portraits individuels pris dans une boite et montés ensembles. Plus j'y pense et plus je trouve de mérites à utiliser une boite pour ce projet. En utilisant une boite de taille unique, on peut voir les enfants grandir d'année en année. C'est pour les élèves un bon symbole de l'école: immense au départ, puis devenant plus petite, semblant rapetisser au fur et à mesure des classes jusqu'à ce qu'il soit temps d'aller voir le monde hors de la boite. La boite est aussi pour les parents le symbole du système éducatif: une chrysalide dans laquelle les enfants grandissent en apprenant jusqu'à ce qu'il soient prêts à sortir. D'un point de vue technique, la boite m'offre un environnement contrôlé qui facilite le processus répétitif. La faisabilité technique est un élément crucial du projet car je vais devoir produire une grande quantité de portraits en un temps limité.

La planification et la logisitique sont des éléments clés. J'établis avec l'école un programme de prises de vue qui s'étale sur six sessions de 3-4 heures. 400 portraits comme celui-ci doivent être produits...

… à raison d'un portrait toutes les trois minutes pendant une semaine.

A travers cette collection de portraits, je voulais montrer aux parents non seulement leur enfant tel qu'il est aujourd'hui, mais aussi qu'ils se souviennent comment il était, petit bout de chou, parfois perdu dans la grande boite, ou qu'ils imaginent comment il grandira dans le futur, adolescent un peu à l'étroit dans la boite et prêt à partir à la découverte du monde extérieur.

Dans la boite, certains enfants étaient un peu timides alors que d'autres ont improvisés des performances incroyables, mais ils ont tous révélé un peu d'eux-mêmes. On peut lire ici de nombreuses histoires, des histoires d'amitié avec un bon nombre de duos et de mises en scènes impliquant des acteurs dans plusieurs boites. On peut aussi y lire les matins difficiles, les jours sans, le questionnement sur soi ou sur le monde. On peut surtout y voir une multitude de sourires. On y voit des enfants qui grandissent, classe après classe, comme dans un film en accéléré, et c'est assez émouvant.

Les parents se sont d'abord surtout intéressés à la photo de classe de leur enfant, mais ils ont vite réalisés que le projet se révèle pleinement lorsque l'on parcours toutes les photos de classe. Les enfants eux ont immédiatement été captivés par la série complète, regardant toutes les photos, et faisant pour chacune des boites des commentaires amusés avec leurs amis.

Ce projet a été pour moi une expérience assez incroyable et je me suis régalé. Il a conjugué de nombreux aspects de la production photographique que je n'avais pas rencontrés auparavant ou du moins pas à cette échelle. J'ai beaucoup appris. En 15 jours j'ai photographié 400 personnes, dont 361 enfants, traité tous les portraits individuellement, réalisé 24 montages de photo de classe, et produit un calendrier. Les meilleurs moments ont bien sûr été ceux qui m'ont donnés la chance, même si c'était pour quelques instants seulement, d'interagir avec tous ces enfants qui ont en commun de partager la même école. Je les remercie tous pour leur confiance.


Using Format